Ange pitou - tome 1 (les mémoires d'un médecin) by Alexandre Dumas

Ange pitou - tome 1 (les mémoires d'un médecin) by Alexandre Dumas

Auteur:Alexandre Dumas [Dumas, Alexandre]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Action & Aventure
Publié: 1851-07-02T23:00:00+00:00


Chapitre 18

Le docteur Gilbert

Pendant que le peuple s’élance, rugissant à la fois de joie et de colère, dans les cours de la Bastille, deux hommes barbotent dans l’eau bourbeuse des fossés.

Ces deux hommes sont Pitou et Billot.

Pitou soutient Billot ; aucune balle ne l’a frappé, aucun coup ne l’a atteint ; mais sa chute a tant soit peu étourdi le bon fermier.

On leur jette des cordes, on leur tend des perches.

Pitou attrape une perche, Billot une corde.

Cinq minutes après, ils sont portés en triomphe et embrassés, tout fangeux qu’ils soient.

L’un donne à Billot un coup d’eau-de-vie ; l’autre bourre Pitou de saucisson et de vin.

Un troisième les bouchonne et les conduit au soleil.

Tout à coup une idée ou plutôt un souvenir traverse l’esprit de Billot ; il s’arrache à ces soins empressés, et s’élance vers la Bastille.

– Aux prisonniers ! crie-t-il en courant ; aux prisonniers !

– Oui, aux prisonniers ! crie Pitou en s’élançant à son tour derrière le fermier.

La foule, qui jusque-là n’avait pensé qu’aux bourreaux, tressaille en pensant aux victimes.

Elle répète d’un seul cri : « Oui, oui, oui, aux prisonniers. »

Et un nouveau fleuve d’assaillants rompt les digues, et semble élargir les flancs de la forteresse pour y porter la liberté.

Un spectacle terrible s’offrit alors aux yeux de Billot et de Pitou. La foule ivre, enragée, furieuse, s’était ruée dans la cour. Le premier soldat qui lui était tombé sous la main, elle l’avait mis en morceaux.

Gonchon regardait faire. Sans doute, pensait-il que la colère du peuple est comme le cours des grands fleuves, qu’elle fait plus de mal si on essaie de l’arrêter que si on la laisse tranquillement s’écouler.

Élie et Hullin, au contraire, s’étaient jetés en avant des massacreurs : ils priaient, ils suppliaient, disant, sublime mensonge ! qu’ils avaient promis la vie sauve à la garnison.

L’arrivée de Billot et de Pitou fut un renfort pour eux.

Billot qu’on vengeait, Billot était vivant ; Billot n’était pas même blessé ; la planche avait tourné sous son pied, voilà tout. Il avait pris un bain de fange, et pas autre chose.

C’était surtout aux Suisses qu’on en voulait particulièrement, mais l’on ne trouvait plus de Suisses. Ils avaient eu le temps de passer des sarreaux de toile grise, et on les prenait pour des domestiques ou des prisonniers. La foule brisa à coups de pierre les deux captifs du cadran. La foule s’élança au haut des tours pour insulter ces canons qui avaient vomi la mort. La foule s’en prenait aux pierres, et s’ensanglantait les mains en voulant les arracher.

Quand on vit apparaître les premiers vainqueurs sur la plate-forme, tout ce qui était en dehors, c’est-à-dire cent mille hommes, jeta une immense clameur.

Cette clameur s’éleva sur Paris, et s’élança sur la France comme un aigle aux ailes rapides :

– La Bastille est prise !

À ce cri les cœurs se fondirent, les yeux se mouillèrent, les bras s’ouvrirent ; il n’y eut plus de partis opposés, il n’y eut plus de castes ennemies, tous les Parisiens sentirent qu’ils étaient frères, tous les hommes comprirent qu’ils étaient libres.



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